Ce sont pas moins de 17 comptes de prêt accordés à des gouvernements étrangers qu’au titre du dernier numéro de son bulletin officiel, publié le 31 décembre 2023, l’Algérie a fermés, en versant leur solde, c’est-à-dire l’argent qui s’y trouvait, au compte de résultats du Trésor, qui résume les recettes et les dépenses de l’État sur l’année fiscale.

Et parmi ces gouvernements, on trouve essentiellement ceux des pays du Sahel qui se sont ralliés à l’initiative internationale du roi Mohammed VI pour favoriser l’accès de la région à l’Atlantique, à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Le Burkina Faso et le Niger se sont ainsi vus clôturer des comptes de prêt qu’Alger avait ouverts en leur nom en février 1975, tandis que ce sont trois comptes dont le Mali ne dispose plus auprès de la capitale algérienne, respectivement mis sur pied en mars 1965, avril 1974 et janvier 1977.

Pour les observateurs, il s’agit là clairement d’une décision vengeresse de la part de l’Algérie, qui se trouve d’autant plus frustrée, par ailleurs, par ses échecs diplomatiques auprès desdits pays.

Dernier de ses échecs, la décision prise le 31 décembre 2023 par le président malien, Assimi Goïta, de sortir son pays des accords d’Alger, qui, sous les auspices de la partie algérienne, encadrait depuis la fin du printemps 2015 le processus de paix au Nord-Mali, où plusieurs mouvements touaregs sont entrés en sédition depuis janvier 2012.

« J’ai pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix en donnant toutes ses chances au dialogue direct intermaliens pour la paix et la réconciliation nationale afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires » , a déclaré Assimi Goïta dans un discours adressé à la nation malienne à l’occasion du Nouvel An.

Le 9 octobre 2023, c’est l’Algérie elle-même qui avait dû retirer son offre de médiation au Niger, en phase de transition depuis le renversement, le 26 juillet 2023, du président Mohamed Bazoum. Elle avait, une semaine plus tôt, assuré que les autorités nigériennes avaient accepté ses bons offices, avant que ces dernières ne démentent le jour même en précisant qu’elles avaient seulement « fait part de [leur] disponibilité (…) à examiner l’offre de médiation de l’Algérie comme contribution à une solution négociée » , après que le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, l’a soumise, le 25 septembre 2023 à New York, à son homologue nigérien, Bakary Yaou Sangaré, en marge de la soixante-dix-huitième et dernière session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), à laquelle les deux hommes participaient.

Le même Bakary Yaou Sangaré qui se trouvait d’ailleurs le 26 décembre 2023 à Alger, où Ahmed Attaf en a, soit dit en passant, profité pour remettre sur le tapis le projet de route transaharienne censé assurer… le désenclavement et le développement au Sahel, dans une intention à peine voilée de chercher à contrecarrer les desseins marocains.

Le chef de la diplomatie nigérienne a certes, à cette occasion, eu des propos plutôt cordiaux envers ses hôtes algériens, affirmant même que « l’Algérie a toujours été du côté du Niger dans toutes les crises que le pays a eu à affronter par le passé » . Mais selon des sources diplomatiques régionales, il s’est seulement agi, au final, de déclarations formelles, puisque Bakary Yaou Sangaré a écarté toute possibilité que l’Algérie joue un rôle dans la crise qui l’oppose à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO), qui refuse encore de reconnaître le nouveau pouvoir nigérien représenté par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie présidé par le général de brigade Omar Tiani et qui avait même envisagé, au tout départ, d’intervenir militairement pour restaurer Mohamed Bazoum dans ses fonctions de chef de l’État.

Il faut dire aussi que la diplomatie algérienne s’était empressée de « condamne[r] avec force » ce qu’elle avait taxé d’ « atteinte inacceptable à l’ordre constitutionnel » et de « violation grave des exigences de l’État de droit » , là où le Maroc avait joué la prudence et attendu la tenue, le 28 juillet 2023, de la réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) sur la situation au Niger pour se contenter, via son représentant permanent, Mohamed Arrouchi, de « souligne[r] l’importance de maintenir la stabilité de ce pays frère » et d’exprimer sa « confiance » dans « la sagesse du peuple et des forces vives du Niger pour préserver les acquis, maintenir son rôle régional constructif important et œuvrer à la réalisation des aspirations du peuple frère du Niger » .

Outre le Burkina, le Mali et le Niger, la Mauritanie a également vu son compte de prêt scellé par l’Algérie, bien qu’elle ne fasse pas partie de l’initiative du roi Mohammed VI.

Mais le ministre des Affaires étrangères mauritanien, Mohamed Salem Ould Merzoug, avait laissé la porte ouverte à une future participation lors de l’échange qu’il avait eu le 19 décembre 2023 avec son homologue marocain, Nasser Bourita, en marge des sixièmes travaux du Forum de coopération Russie-monde arabe accueillis par Marrakech, ce qui, selon toute vraisemblance, a achevé de mécontenter l’Algérie à l’encontre de Nouakchott, qui s’est de toute façon beaucoup rapprochée du Maroc depuis l’investiture, en août 2019, du président Mohamed Cheikh El Ghazouani, avec notamment l’appui apporté en novembre 2020 par ce dernier à la prise de contrôle par les Forces armées royales (FAR) du point de passage de Guerguarate à la frontière maroco-mauritanienne au détriment du mouvement séparatiste du Front Polisario.

Usant également de la carotte et non pas seulement du bâton, l’Algérie avait soulevé, le 24 décembre 2023 par la voix de son président, Abdelmadjid Tebboune, l’idée de la mise en place d’une zone de libre-échange à sa frontière avec la Mauritanie, dans le sillage de la prochaine finalisation du chantier des nouveaux postes frontaliers Chahid Mostefa Ben Boulaïd au niveau du point kilométrique PK-75, aujourd’hui finalisé à 99,3% selon les dernières indications du ministre algérien de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, qui s’était rendu sur place le 9 décembre 2023.

Mais comme l’expliquait « Couscous Tech » dans un article publié le 28 décembre 2023, l’Algérie part vraiment de loin, avec des échanges commerciaux qui restent faméliques d’autant plus quand on compare le flux commercial de la Mauritanie avec le Maroc, qui représentait 50% des importations mauritaniennes en 2022.