En novembre 2022, l’ambassade du Maroc à Nouakchott se félicitait d’une augmentation de 58% des échanges commerciaux maroco-mauritaniens par rapport à leur niveau de 2020. Une date qui n’est pas anodine : elle correspond à celle de l’opération des Forces armées royales (FAR) pour reprendre le contrôle sur la zone tampon de Guergarate, que depuis août 2016 le mouvement séparatiste du Front Polisario cherchait régulièrement à bloquer afin d’entraver le commerce entre le Royaume et le reste de l’Afrique, à commencer par la Mauritanie elle-même.

Sauf que la récente décision des autorités mauritaniennes de commencer à surtaxer les produits marocains devrait sans doute, si elle est maintenue dans la durée, venir mettre à mal cette belle dynamique.

Depuis le 1er janvier 2024, c’est une véritable explosion de l’ordre de pas moins de 171% que connaissent en effet les coûts de dédouanement de la charge des camions gros porteur au niveau de Guergarate justement, passant de 70.000 ouguiyas (près de 18.000 DH) à 190.000 ouguiyas (près de 48.000 DH).

Ayant appris cette information sur place même, nombreux de ces camions se trouvent ainsi bloqués, ne disposant pas de la somme demandée, certains ayant même décidé de rebrousser chemin pour écouler plutôt leur marchandise au Maroc.

Raison officielle donnée pour cette mesure : la protection des produits locaux mauritaniens, notamment agricoles, qui selon les chiffres disponibles constituent, bon an mal an, 20% des importations mauritaniennes depuis le Maroc (le reste se répartissant principalement entre les produits manufacturés et les machines et équipements de transport).

À ce propos, le projet de loi des finances rectificative (PLFR) adopté le 25 juillet 2023 par le Parlement mauritanien prévoyait déjà de commencer à mettre en place, à partir de cette année 2024, des droits de douane totaux de 39,23% pour les carottes et les navets, les oignons et les échalotes, les pommes de terre, les choux-fleurs et les houx-fleurs brocolis ainsi que les choux de Bruxelles sur la période du 1er janvier au 30 avril. Des taux qui baisseraient ensuite, pour le restant de l’exercice, à 13,73%, tout en commençant par ailleurs à inclure les tomates, qu’elles soient à l’état frais ou réfrigéré.

Mais on reste tout de même bien loin du chiffre de 171%.

Des considérations politiques seraient-elles également en jeu, comme l’affirment notamment de nombreux médias algériens pro-régime, clairement aux anges, sachant que cela fait plusieurs années que l’Algérie lorgne le marché mauritanien avec notamment le projet de construction de la ligne routière Tindouf-Zouérate principalement financée par le biais des deniers algériens ? Et si oui, de quel nature seraient-ils ?

Il faut dire aussi que du temps de l’ancien président, Mohamed Ould Abdel Aziz (août 2009-août 2019), condamné à cinq ans de prison ferme le 4 décembre 2023 pour enrichissement illicite et blanchiment d’argent, la Mauritanie avait pris l’habitude des mesures de rétorsion économique à l’encontre du Maroc, tantôt annulant les vols directs qu’assurait la Royal air Maroc (RAM), tantôt implémentant, déjà, des frais de douanes en plus (de 3% par exemple, en septembre 2013).

Mais valeur aujourd’hui, la relation entre le Maroc et la Mauritanie demeure bonne, le Royaume souhaitant même que sa voisine du Sud rallie son initiative pour désenclaver les pays du Sahel, officiellement lancée le 23 décembre 2023 à Marrakech en présence des chefs des diplomaties du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Tchad.

En marge des sixièmes travaux du Forum de coopération Russie-monde arabe, également tenu dans la ville ocre et ce le 20 décembre 2023, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s’en était d’ailleurs directement ouvert à son homologue mauritanien, Mohamed Salem Ould Merzoug.

Quelle que soit la cause du pas qu’elle a entrepris, la Mauritanie n’est, cependant, certainement pas pour y gagner au change.

En octobre 2021, le gouvernement mauritanien avait lui-même reconnu que le pays n’était susceptible d’assurer que 15% de sa demande en produits agricoles.

À peine deux ans plus tard, la Mauritanie est-elle déjà en mesure de combler les 85% restant ?

Les observateurs en doutent fortement, et selon ce que l’on peut comprendre de ses premières réactions, la rue mauritanienne est-elle même la première à appeler à revenir à des droits de douane autrement rationnels.

Reste ceci dit aux autorités mauritaniennes de (ré)entendre raison.