C’est un secret de polichinelle : depuis la sécurisation, à partir du mois de novembre 2020, du passage frontalier au niveau de la zone tampon de Guerguarate entre le Maroc et la Mauritanie, les relations commerciales entre les deux pays connaissent une hausse significative. Il suffit, pour s’en assurer, de s’attarder sur les éléments donnés, dans un communiqué en date du 22 novembre 2023, par l’ambassade du Royaume à Nouakchott, où il est notamment question d’une augmentation des échanges commerciaux bilatéraux de 58% rien que dans l’année 2022.

« Cette reprise notable dans le volume et la valeur des échanges commerciaux renforce la position du Royaume en tant que premier fournisseur du marché mauritanien au niveau africain. Les importations mauritaniennes en provenance du Maroc représentent environ 50% de l’ensemble de ses importations en provenance du continent africain » , se félicitait, à ce propos, l’ambassade.

Et avec maintenant, on le sait, la possibilité que la Mauritanie rejoigne l’initiative internationale du roi Mohammed VI pour favoriser l’accès des pays du Sahel à l’Atlantique, comme indiqué par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, lors de la réunion ministérielle de coordination tenue le samedi 23 décembre 2023 à Marrakech, on peut même croire à la matérialisation d’une véritable intégration économique tant recherchée notamment dans le sillage du rêve de construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA), aujourd’hui au point mort total du fait essentiellement des relations en dents de scie entre le Maroc et l’Algérie (relations totalement rompues depuis août 2021, au prétexte d’une implication marocaine dans les incendies de forêt dont était alors témoin la Kabylie).

Justement, Alger semble suivre de très près ce mouvement maroco-mauritanien et vouloir le concurrencer, comme on peut le comprendre de sa nouvelle volonté affichée de mettre en place une zone de libre-échange au niveau de sa frontière avec la Mauritanie. C’est ce qu’a annoncé, ce 24 décembre 2023, la présidence algérienne, à l’issue du tout dernier conseil des ministres, au cours duquel, selon un communiqué qui a été publié, le président Abdelmadjid Tebboune a ordonné le « lancement immédiat » des études afférentes.

D’après ce que l’on comprendre dans ce qui ressort dans les médias algériens, l’Algérie souhaiterait notamment capitaliser sur l’ouverture prochaine des nouveaux postes frontaliers Chahid Mostefa Ben Boulaïd au niveau du point kilométrique PK-75, où la circulation des biens et des personnes est officielle depuis le mois d’août 2018.

Selon le ministre algérien de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, qui vient de s’y rendre personnellement le 9 décembre 2023, le projet serait déjà avancé à 99,3%, mais il faut ceci dit préciser que c’est en octobre 2023 qu’il devait être initialement rendu, avant donc que le chantier ne soit retardé. Son coût total est estimé à 3,5 milliards de dinars algériens, soit quelque 260 millions de dirhams, tous assurés par l’État algérien, y compris le poste frontalier mauritanien ; ce qui en dit long sans doute aussi, soit dit en passant, sur la volonté de l’Algérie de forcer, littéralement, le passage auprès de sa voisine mauritanienne.

Mais avant tout, l’idée d’une zone de libre-échange frontalière algéro-mauritanienne reste tributaire de la finalisation du projet de voie routière entre Tindouf, en Algérie, et Zouerate, en Mauritanie, les deux villes qu’en fait les postes frontaliers Chahid Mostefa Ben Boulaïd sont censés, de manière fondamentale, connecter. Un mémorandum d’entente avait, à ce titre, été signé en décembre 2021 par Abdelmadjid Tebboune et son homologue mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani lors d’une visite de ce dernier à Alger, et depuis lors un comité conjoint a été mis en place, dont la première réunion s’était tenue en décembre 2022 sur le territoire algérien.

L’idée, selon les informations qui sont régulièrement données, serait de boucler le projet Tindouf-Zouerate dans une deadline de 36 mois.

Reste que l’Algérie part vraiment de très loin pour pouvoir espérer se mettre au diapason de la présence commerciale marocaine en Mauritanie.

Selon les derniers chiffres dont on dispose, communiqués à l’époque par la direction du commerce de la wilaya algérienne de Tindouf, les opérations de commerce passées par Chahid Mostefa Ben Boulaïd s’étaient limitées au nombre de 614, pour un volume de juste un peu plus de 4,688 millions d’euros et 547.168 dollars, et ce en dépit des facilitations, notamment fiscales et de péréquation des frais de transport, qui avaient alors été accordées aux opérateurs économiques et qui avaient atteint les 50%.