La tenue, ce lundi 25 décembre 2023, du conseil de gouvernement, le dernier prévu de l’exercice en cours, a été l’occasion pour l’Exécutif d’adopter quatre projets de décrets. Mais c’est l’un deux en particulier qui a sans doute le plus retenu l’attention des opérateurs économiques, à savoir celui qui active l’article 37 de la loi n°48-15 relative à la régulation du secteur de l’électricité et à la création de l’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE).

Selon un communiqué publié par le ministère délégué chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, ledit projet de décret intervient avec le double objectif affiché suivant : à la fois garantir le bon fonctionnement du marché libre de l’électricité et superviser l’accès des producteurs privés au réseau national. Ce qui revient à comprendre que le gouvernement souhaite que les fournisseurs privés puissent désormais pleinement intégrer le secteur électrique national.

Pour rappel, l’article 37 de la loi n°48-15 porte sur la contribution que le Comité de réglement des différends de l’ANRE doit recevoir quand une partie saisit son président en vue de trancher dans tout différend susceptible d’opposer le gestionnaire du réseau électrique national de transport (GRT), qui est actuellement l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), et un utilisateur de ce même réseau, ou un gestionnaire du réseau de distribution d’électricité et un utilisateur du réseau électrique de moyenne tension de la distribution. Sur quoi peuvent porter ces différends ? L’article 30 de la loi n°48-15 cite le raccordement, l’accès ou l’utilisation du réseau électrique concerné ou les interconnexions, notamment en cas de refus de raccordement ou d’accès au réseau électrique concerné ou en cas de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des conventions.

Là où intervient en fait le nouveau projet de décret du gouvernement, c’est par rapport au montant de la contribution à verser à l’ANRE. La loi n°48-15 ne la fixe pas mais prévoit plutôt que ce soit le cas par voie réglementaire. Et c’est donc chose faite. Par conséquent, le Comité de réglement des différends de l’ANRE devient désormais pleinement fonctionnel, alors que ce n’était pas le cas avant, et ce fait est important pour que non seulement il puisse accomplir sa mission, mais de même pour l’ensemble de l’ANRE, dont, par ailleurs, les compétences ont été sensiblement élargies par la loi n°40-19 adoptée le 7 février 2023 par le Parlement et qui complète et modifie la loi n°48-15 ainsi que la loi n°13-09 relative aux énergies renouvelables.

Rappelons que c’est depuis août 2018 que l’ANRE dispose d’un président en la personne de Abdellatif Bardach, qui, auparavant, avait oeuvré plus de 28 ans durant au sein de l’ONEE. Quant aux membres du Comité de réglement des différends, ses membres sont également déjà installés. Il s’agit de son président, Essaid Saadaoui, président de chambre à la cour de cassation nommé en décembre 2018 par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), ainsi que de Hassan Merrouni et d’Ahmed Moujib, tous deux juristes de formation en droit public dont la désignation qui remonte, elle, à octobre 2020 revient directement au Conseil de l’ANRE. C’est l’article 29 de la loi n°48-15 qui prévoit que le Comité de réglement des différends soit composé de la sorte, avec un magistrat choisi par le CSPJ et deux membres que le Conseil de l’ANRE sollicite en raison de leur compétence dans le domaine juridique.

Parmi les fournisseurs privés qui devraient le plus profiter du nouveau projet de décret, les producteurs d’énergie renouvelable. Au titre de la loi n°40-19, ceux-ci sont, en effet, susceptible à tout moment de ne plus pouvoir accéder au réseau électrique national de transport si tant est que le GRT estime que son fonctionnement est menacé par l’excédent énergétique qui lui parvient. Une situation qui, comme on peut l’imaginer, est susceptible de comporter de nombreux litiges, par rapport auxquels l’ANRE est désormais donc pleinement compétente.