Un des miracles de la toile est qu’elle permet de laisser circuler librement toutes les idées. Mais celles-ci ne sont, pour le moins, pas toujours à l’avantage de la société – loin s’en faut.

Dans le champ religieux notamment, on voit de plus en plus se développer une nouvelle vague de prédicateurs dont pas tous sont porteurs des valeurs traditionnelles de tolérance et de juste milieu de l’islam marocain, mais qui sont, au contraire, nombreux à faire la promotion d’une acception obscurantiste de la religion, qui plus est doublée d’une profonde méconnaissance des textes et de la Sunna prophétique véritable. Si le phénomène des chaînes satellitaires qui avaient pullulé à partir des années 1990 leur avait permis de s’ouvrir une porte, les réseaux sociaux l’ont tout simplement forcé de façon définitive.

C’est à ce titre qu’il faut sans doute comprendre le souci premier du ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, qui a saisi l’occasion de la tenue de l’ultime session ordinaire du Conseil supérieur des oulémas, les vendredi 22 et samedi 23 décembre 2023 à Rabat, pour décliner son plan Tabligh.

De quoi s’agit-il au juste ?

Selon Souad Rahaim, membre du Conseil supérieur des oulémas qui s’est exprimée aux micros des médias à l’occasion de la clôture de la session, il s’agit d’améliorer le niveau de transmission des préceptes religieux et de valoriser l’aspect spirituel dans la vie des citoyens. Elle en a, ainsi, parlé comme d’un « projet de grande envergure » , tout en révélant que la commission médiatique du Conseil en particulier avait été très fortement mise à contribution lors de son élaboration.

Pour la traduction concrète, Ahmed Toufiq semble vouloir impliquer davantage les oulémas nationaux dans la vie digitale des Marocains, de sorte à ne plus continuer à entretenir, de façon qui dessert donc les constantes religieuses nationales, une tout-à-fait inopérante politique de la chaise vide. Ironiquement, c’est sans doute eux qui ont le plus de légitimité pour s’adresser à la population, du fait d’un pedigree qui est souvent autrement approfondi en termes de sciences religieuses.

Notons toutefois que le ministère des Habous et des Affaires islamiques ne part pas tout-à-fait de zéro. Comme le rappelait Ahmed Toufiq lui-même lors d’un passage en date du 12 décembre 2023 à la Chambre des représentants, son département dispose déjà d’une présence accrue sur les canaux digitaux. Parmi les éléments qu’il avait alors détaillés :

  • Que plus de 200.000 contenus digitaux du ministère sont indexés sur Google, ce qui permet à son portail de bénéficier d’un des meilleurs classements nationaux en comparaison avec les autres sites gouvernementaux, sans compter de disposer d’un important classement mondial.
  • Qu’en termes de réseaux sociaux il dispose de dix comptes : sur YouTube, X, Instagram, Tik Tok et surtout Facebook, où il gère plus de 20 pages qui, dans l’ensemble, réunissent plus de 700.000 abonnés, dont 542.000 sur sa seule page principale. Sur celle-ci, il se fend, chaque mois, de plus de 400 publications en moyenne.
  • Qu’en outre, les conseils des Oulémas disposaient de 282 pages sur Facebook, comptant, au total, 800.000 abonnés.

Reste donc seulement à enclencher la machine.